1880 : la République adopte la date du 14 juillet comme jour de Fête nationale annuelle (article unique de la loi du 6 juillet 1880).
En 1880, un siècle après la prise de la Bastille, la République cherche une date pour sa Fête nationale : elle adopte le 14 juillet. Cependant, dans le texte de loi, la date du 14 juillet n’est rattachée à aucune année en particulier. Alors que fête-t-on vraiment ce jour-là ?
La prise de la Bastille et/ou la fête de la Fédération ?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre ce qui s’est passé ces deux 14 juillet (1789 et 1790) et pourquoi le législateur a choisi cette date, fruit de longs débats parlementaires et d’un consensus politique.
En fait, un débat s’est tenu au Sénat pour choisir le jour de la Fête nationale. Plusieurs dates ont été envisagées, sans succès. Faute d’accord,, le député Benjamin Raspail dépose le 21 mai 1880 une proposition de loi tendant à adopter le 14 juillet comme jour de Fête nationale annuelle. Mais le texte de la loi ne mentionne aucune année. Après moult débats, la date de 14 juillet est in fine adoptée en raison de son double symbole.
Aujourd’hui encore, on peut voir les deux 14 juillet sur les sites officiels, et de l’Élysée, et du gouvernement.
14 JUILLET 1789 : LA PRISE DE LA BASTILLE
1789, une année noire.
Les mauvaises récoltes ont aggravé la crise économique. Les impôts sont lourds et le chômage augmente à Paris.
Le roi Louis XVI convoque les états généraux du Royaume, qui se réunissent dès le 5 mai en trois ordres : nobles, clergé et tiers état. Ces états généraux s’ouvrent dans un contexte social tendu. Des Etats Généraux jamais réunis depuis 1614.
Depuis le début de l’année 1789, les émeutes se succèdent ; quelques jours plus tôt, les 27 et 28 avril, « l’affaire Réveillon » faisait des centaines de morts faubourg Saint-Antoine.
Le 17 juin, des députés du tiers état se constituent en Assemblée et s’emparent donc de facto du pouvoir législatif. Dans leur serment du Jeu de paume, le 20 juin, ils s’engagent à ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France.
À la veille du 14 juillet et du début de la Révolution, une grande émeute secoue la capitale : en jeu, l’injustice fiscale dont souffre le peuple de Paris, représentée par les barrières du mur des Fermiers généraux.
Le 12 juillet 1789, lorsque le messager du commandant de Paris arrive à l’Assemblée nationale réunie à Versailles, il annonce :
« Toutes les barrières du côté du Nord ont été saccagées. Celle du Trône (Nation) est en feu. Les armuriers ont été pillés, et chacun prend la cocarde verte.
Paris va être en feu dans un instant. »
(Le Moniteur Universel, 13 juillet 1789).
Dans la nuit du 12 au 13 juillet, sur les 54 barrières d’octroi qui ceinturent Paris, 40 sont incendiées. La colère s’exprime contre des symboles visibles. Versailles est loin ; au faubourg de Saint-Antoine, c’est la Bastille.
« La nuit, le peuple s’est porté en partie du côté de la barrière Blanche qu’il a brûlée. La maison de Saint-Lazare a été enfoncée.
On espérait y trouver des grains et l’espérance n’a pas été déçue. Une grande quantité de farine et de blé a été transportée à la Halle. »
Ces actions sont conjointes et liées par un même but. Les uns après les autres, les entrepôts de blé sont visités. Les réserves sont confisquées et revendues à un juste prix à la Halle aux grains : le pain est vu comme un bien commun, qui doit être vendu à des prix raisonnables. Affirmant représenter « le tiers état », les Parisiennes et les Parisiens des faubourgs prennent les barrières comme d’autres, au même moment, prennent la Bastille.
14 juillet 1790 : La Fête de la Fédération
Lorsqu’un an plus tard, en 1790, il s’agit de célébrer l’unité retrouvée dans ce qu’appellera la fête de la Fédération, on choisit pour le faire le 14 juillet, mais sans mentionner la Bastille.
Pour des motifs divers, chacun dans le pays est désireux de clore la Révolution de façon pacifique. Les députés, qui se sont depuis lors érigés en assemblée nationale constituante, ont beaucoup légiféré, modernisé les structures administratives et mis sur pied un projet de monarchie constitutionnelle.
Ce sera une fête de la réconciliation et de l’unité de tous les Français. Des délégués des 83 départements de l’époque viennent prêter serment à la nation, à la Constitution, et au roi. C’est le 14 juillet qui est fêté, mais un autre 14 juillet. Il s’agit de célébrer ce grand moment d’unité retrouvée.