Favori face à une gauche éclatée, Georges Pompidou est élu sans trop de mal à la présidence de la République le 15 juin 1969, face à Alain Poher, président du Sénat et président par intérim. Il nomme sans tarder au poste de Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, gaulliste brillant et dynamique qu’il remplacera le 5 juillet 1972, par un homme autrement plus conventionnel, Pierre Messmer. Le gouvernement amorce alors un virage conservateur illustré par les foucades du nouveau ministre des Affaires culturelles, l’académicien Maurice Druon. Premier ministre du Général de Gaulle en 62, chef de l’État entre juin 69 et avril 74 : Pompidou, c’est l’image du dernier président des Trente Glorieuses, ces années où l’on a connu une croissance forte et régulière de 5% par an, avec un taux de chômage inférieur à 1,5% jusqu’au milieu des années 60, inférieur à 2,7% jusqu’à la guerre du Kippour et la crise pétrolière de la fin 73.
Comment un jeune Normalien agrégé de lettres est devenu le principal collaborateur du général de Gaulle pendant vingt-cinq ans et président de la République ?
Chantre du développement industriel de la France avec de premiers investissements dans le programme ferroviaire à grande vitesse (TGV), la modernisation du téléphone, la construction d’autoroutes, y compris en centre-ville (voie sur berges à Paris), construction d’établissements scolaires pour répondre à l’allongement des études jusqu’à seize ans, redémarrage de la construction de logements, modernisation agricole permise par les débouchés du Marché commun et la mise en place de moyens d’adaptation progressive du monde rural…
Son passage à l’Élysée laisse le souvenir d’une embellie économique et sociale sans précédent. On rêve en France d’égaler la puissance industrielle allemande et le président Pompidou offre à ses concitoyens la perspective d’une société aussi égalitaire et prospère que la Suède de l’époque, « avec le soleil en plus ».
Georges Pompidou a été pendant près de vingt-cinq ans un collaborateur très proche du Général de Gaulle. Il est entré dans l’histoire de France en devenant son Premier ministre durant plus de six ans et en lui succédant à la présidence de la République.
GEORGES POMPIDOU
Georges Pompidou est né le 5 juillet 1911 à Montboudif village d’Auvergne de parents instituteurs. Son père exerça d’abord son métier dans le Cantal et devint plus tard professeur d’espagnol à Albi où le futur Président fit toutes ses études jusqu’au baccalauréat. Doué pour les lettres, il y obtient le premier prix au concours général de grec classique et rejoint le lycée Pierre de Fermat à Toulouse. Il restera très attaché au pays d’origine de sa famille et se référera constamment aux valeurs de l’école républicaine : « droiture et travail ; respect du mérite et des vertus de l’esprit ».
Il prépare ensuite l’Ecole Normale Supérieure au Lycée Louis-le-Grand à Paris, point de départ de nombreuses amitiés qui compteront fortement dans sa vie notamment avec Léopold Sédar Senghor qui fut plus tard le premier – et prestigieux – Président de la République du Sénégal.
Diplômé de l’Ecole libre des Sciences Politiques, il enseignera trois ans à Marseille puis à Paris.
La rencontre avec le Général de Gaulle:
À la Libération, sur une recommandation de son camarade normalien René Brouillet, Georges Pompidou entre au cabinet du chef du gouvernement provisoire en septembre 1944 comme chargé de mission pour les questions d’éducation. Il va devenir son principal collaborateur pendant sa « traversée du désert.
Un intermède à la banque Rothschild. Georges Pompidou se tourne pour quelques années vers la vie économique et l’entreprise. Expérience qui sera déterminante pour l’organisation de l’essor économique de la France lorsqu’il en aura plus tard la responsabilité.
En 1958, le Général l’appelle à nouveau auprès de lui pour diriger son cabinet de dernier Président du conseil de la IVe République. Du 1er juin 1958 au 7 janvier 1959 il aura à ce titre les pouvoirs les plus étendus.
En 1962 il succède à Michel Debré comme Premier ministre et conservera cette fonction pendant six ans, réalisant un record dans l’histoire de la France post-révolutionnaire. La guerre d’Algérie s’achevant et les énergies françaises étant libérées pour d’autres tâches le Président de la République et le Premier ministre peuvent rénover l’économie française en mettant en place une politique industrielle permettant à la France de peser sur les décisions européennes et mondiales.
1968
Il affronte avec calme et maîtrise les événements de mai 1968 et amène la droite gaulliste au triomphe lors des élections législatives des 23 et 30 juin 1968.
Le 10 juillet 1968 la longue collaboration avec le Général de Gaulle s’interrompt. Il est remplacé par le discret Maurice Couve de Murville.
1969
Le Général de Gaulle désavoué par les Français lors du référendum de 1969 sur la régionalisation, démissionne dès le lendemain des résultats entrainant une élection présidentielle.
Georges Pompidou est élu au deuxième tour avec plus de 11 millions de voix (58,2 % des suffrages exprimés) contre moins de 8 millions à Alain Poher.
LA FRANCE, L’EUROPE ET LE MONDE
La politique internationale a toujours été la première des responsabilités des chefs d’Etat de la Ve République. L’Europe était alors en crise elle ne progressait plus. Le Marché commun agricole risquait de régresser faute de financement et nos partenaires soumettaient la consolidation de la construction européenne à l’entrée de la Grande-Bretagne. Georges Pompidou, convaincu que la prospérité de notre pays et la possibilité pour la France de continuer à jouer un rôle dans le monde dépendaient de la réussite de l’Europe, renoua la négociation avec le Premier Ministre britannique Edward Heath fervent européen lui aussi. En décembre 1969 le sommet européen de La Haye rétablit la concorde entre les six membres fondateurs de la Communauté Européenne, définit les conditions de la négociation avec la Grande-Bretagne, amorce l’Union Economique et Monétaire et ébauche une coopération politique destinée à déboucher sur l’Union Politique inscrite par les négociateurs dans leurs conclusions.
Le référendum du 23 avril 1972 approuve l’entrée de la Grande Bretagne.
L’Europe pouvait ainsi repartir de l’avant et notamment l’entente franco-allemande qui restait un fondement essentiel de notre politique extérieure et la base irremplaçable de la coopération européenne. La réussite de l’Europe élargie nécessitait aussi une bonne entente avec les dirigeants des Etats-Unis et de l’U.R.S.S. Le Président de la République réserva aux Etats-Unis son premier voyage officiel à l’étranger en février-mars 1970 où il exprima dans une série de grands discours ses vues à long terme sur le monde notamment à propos de l’évolution de la société, de l’organisation de l’économie et des échanges de l’environnement textes qui resteront la base de son action tout au long des cinq ans de son mandat présidentiel
La France n’avait pas pour autant renoncé à son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Des divergences commerciales monétaires politiques (Proche-Orient relations avec l’U. R.S.S.) culminèrent avec la crise pétrolière de la fin de 1973 et le refus par la France d’un accord général des pays consommateurs de pétrole en février 1974 à Washington.
Avec l’U.R.S.S. alors dirigée par Leonid Brejnev ainsi qu’avec les autres pays de l’Est des relations étroites s’établirent aussi. Des relations indépendantes avec chacun des pays de l’Est se renforcèrent. La conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe à laquelle s’attacha Georges Pompidou dès septembre 1969, permit de commencer à sortir de l’emprise des deux grands blocs pour déboucher après la mort du Président Pompidou sur l’émancipation des Etats à leur égard. Au « condominium » des deux grands empires que craignait Georges Pompidou, se substituaient, progressivement, la détente et l’indépendance de tous les Etats d’Europe.
La France poursuivit aussi sa coopération politique et économique avec tous les pays indépendants et en priorité avec ceux d’Afrique francophone.
POLITIQUE INTERIEURE
Pour mener cette politique active avec des chances de succès encore fallait-il que la France fut forte et son économie en rapide progrès. Georges Pompidou privilégia donc la croissance dans la préparation du VIe Plan. De 1968 à 1973 en cinq ans le volume de biens et services mis à la disposition des Français s’accrut de plus de 40 %. Et l’industrie fournit chaque année près de 100 000 emplois supplémentaires.
Le nombre des très grandes entreprises et celui des établissements de taille moyenne restaient cependant insuffisants comparés à ceux de nos principaux concurrents. Une politique pragmatique de regroupement et de restructuration eut pour objet d’y remédier.
En matière sociale aussi un effort sans précédent fut mené pour diminuer les inégalités et réduire les injustices par la loi et la politique contractuelle : mensualisation des ouvriers, nouvelle loi sur le salaire minimum, actionnariat des salariés, extension de la formation professionnelle, accroissement et aménagement des retraites, renouveau de la politique familiale et des aides personnelles au logement et préparation d’une loi sur les handicapés.
Suite à la crise pétrolière, un vaste programme de construction de centrales nucléaires fut lancé ce qui donna ultérieurement à la France une indépendance énergétique sensiblement supérieure à celle de ses voisins.
L’ESPACE
Enfin, fut adopté en 1973 à l’initiative de la France, un programme européen de lanceurs et satellites qui permet, aujourd’hui encore, à l’Europe d’être la première sur le marché mondial.
2 AVRIL 1974, LA FRANCE EN DEUIL
Au soir du 2 avril 1974, les Français apprennent la mort du Président Georges Pompidou.
Esprit fin et cultivé, humaniste, homme de réflexion et homme d’action, Georges Pompidou a écrit « Le Noeud gordien » après les événements de Mai 1968. Il est également l’auteur d’une Anthologie de la poésie française qui fait toujours référence. Il conduit aussi le projet révolutionnaire d’un lieu multiculturel au cœur de Paris, sur le plateau Beaubourg. Il sera inauguré après sa mort sous le nom de Centre Pompidou.