REPORTAGE-5 : RÉSERVE NATURELLE NATIONALE DES MARAIS DE SÉNÉ

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Le 21 août dernier, la Réserve Naturelle Nationale des Marais de Séné fêtait ses 20 ans.

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Mais que savons-nous des réserves naturelles nationales

Bat­tues par les flots, ac­cro­chées aux fa­laises, ni­chées au cœur des zones hu­mides, en­fouies sous la mer ou dans des grottes, ta­pies dans les fo­rêts, grim­pant à l’as­saut des mon­tagnes ou plan­tées à la pé­ri­phé­rie des villes, les ré­serves na­tu­relles té­moignent de l’in­croyable va­riété de la na­ture en France.

De la mer à la mon­tagne, de la mé­tro­pole à l’outre-mer, en forêt, le long des fleuves et ri­vières, près des villes, les ré­serves na­tu­relles sont des lieux où la na­ture est belle : fleurs et arbres, oi­seaux et mam­mi­fères, cailloux et fos­siles, forment des pay­sages qui nous émeuvent, dont l’har­mo­nie est sou­vent fra­gile et que nous vou­lons conser­ver.

Les réserves naturelles nationales sont des territoires d’excellence pour la préservation de la diversité biologique et géologique, terrestre ou marine, de métropole ou d’outre-mer. Elles visent une protection durable des milieux et des espèces en conjuguant réglementation et gestion active. Cette double approche est une particularité que les réserves naturelles nationales partagent avec les parcs nationaux et les réserves naturelles régionales.

Des objectifs variés

Les objectifs de protection des réserves naturelles nationales peuvent être variés puisqu’elles ont pour vocation la « conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présentant une importance particulière ou qu’il convient de soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader ». Ainsi, en couvrant des milieux aussi variés que les zones humides, la très haute montagne, les milieux souterrains, les forêts tropicales ou encore les milieux marins, les réserves naturelles nationales présentent un panorama diversifié. Avec leur large répartition géographique, allant de Guyane et des Antilles françaises aux eaux subantarctiques dans les archipels des Kerguelen et de Crozet en passant par l’Océan Indien avec la Réunion et Mayotte, elles témoignent de la richesse et de l’extraordinaire variété des milieux naturels de France.

Les réserves naturelles nationales forment ainsi des noyaux de protection forte le plus souvent au sein d’espaces à vocation plus large tels que les parcs naturels régionaux, les sites Natura 2000 et les parcs naturels marins. Elles sont complémentaires des réserves naturelles régionales et de Corse, des parcs nationaux et des arrêtés préfectoraux de protection de biotope, avec lesquels elles constituent l’essentiel du réseau national des espaces naturels à forte protection réglementaire.

Elles se distinguent toutefois des arrêtés de protection de biotope par la mise en œuvre d’une gestion patrimoniale.

Elles diffèrent également des parcs nationaux, qui ont généralement vocation à protéger des espaces plus vastes, et dont les missions recouvrent la protection de la biodiversité, mais aussi la conservation et la valorisation des patrimoines paysagers et culturels.

Ces sites fragiles, protégés et gérés avec beaucoup de soin, abritent les éléments de la nature les plus précieux car rares ou menacés. De par leur richesse, leur représentativité et le caractère pérenne de leur classement, les réserves naturelles nationales offrent des terrains d’expérimentation privilégiés pour des recherches scientifiques nationales et internationales nécessitant des suivis de longue durée, notamment pour étudier et comprendre le fonctionnement des écosystèmes et l’impact du dérèglement climatique.

En ce sens, les réserves naturelles nationales constituent des laboratoires à ciel ouvert, des lieux d’expérimentation, d’inventaires et de suivis scientifiques, et autant de références en matière de gestion de la diversité biologique et géologique.

L’information et la connaissance qui sont ainsi recueillies viennent alimenter l’observatoire national des réserves, qui contribue à son tour au réseau national des données sur la nature. C’est dire qu’au-delà de l’intérêt local de la conservation, les réserves participent pleinement à un effort national de conservation et de connaissance de la biodiversité.

Les textes régissant les réserves naturelles sont les articles L. 332-1 et suivants et R. 332-1 et suivants du code de l’environnement. Depuis l’intervention de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité et de son décret d’application n° 2005-491 du 18 mai 2005 relatif aux réserves naturelles et portant notamment modification du code de l’environnement.

Les réserves naturelles nationales en chiffres

La pre­mière ré­serve na­tu­relle na­tio­nale a été clas­sée en 1961 en ré­gion Rhône-Alpes.

Il existe au 01 juin 2015, réparties sur l’ensemble de la France métropolitaine et d’outre- mer, 167 réserves naturelles nationales dont 18 en outremer (16 dans les départements d’outremer, 1 à Mayotte, 1 dans les Terres australes françaises).

Les superficies couvertes sont les suivantes :

 (ha) Superficie totale dont s. terrestre dont s. marine
Métropole 174 536

148 729

25 807
Outre-mer hors RNN TAF 313 294 294 859 18 435
TAF 2 270 300 700 000 1 570 300
Total RN nationales 2 758 130 1 143 588 1 614 542

Les plus petites : la réserve géologique du Toarcien (0,6 ha) et Saint-Nicolas-des-Glénan (1,5 ha).

Les plus grandes : les Terres australes françaises, réserve naturelle nationale de taille exceptionnelle avec ses plus de 2 millions d’hectares, la Guyane, comptant notamment les Nouragues dans la forêt guyanaise et les marais de Kaw sur le littoral guyanais (respectivement 100 000 et 94 700 ha), les Bouches de Bonifacio, désormais réserve naturelle de Corse (79 460 ha essentiellement marins), les Hauts Plateaux du Vercors (16 600 ha), la Camargue (13 000 ha) et la Haute Chaîne du Jura (10 800 ha).

Zoom sur une réserve exceptionnelle : les Terres australes françaises

Les îles des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) sont situées dans le sud de l’océan Indien, à mi-chemin entre l’Afrique du Sud et l’Australie. Elles s’échelonnent entre la zone subantarctique avec les îles Crozet et les îles Kerguelen et la zone subtropicale avec les îles Saint-Paul et Amsterdam.

Situées à plus de 2 000 kilomètres de tout continent, elles sont parmi les îles les plus isolées au monde, et constituent, de ce fait, des sanctuaires qu’il est urgent de préserver de façon définitive.

La réserve naturelle des Terres Australes Françaises (TAF), créée par décret du 3 octobre 2006 s’étend sur une partie terrestre de 700 000 hectares et une partie marine de 1 570 000 hectares qui comprend les eaux intérieures et la mer territoriale autour de Saint Paul et Amsterdam, les eaux territoriales de l’Archipel de Crozet, à l’exception de celles de l’île de la Possession, et une partie des eaux intérieures et de la mer territoriale des îles Kerguelen.

Les réserves naturelles

Par­tout en France, des es­paces de na­ture pour tous.

Elles pour­suivent trois mis­sions in­dis­so­ciables : pro­té­ger les mi­lieux na­tu­rels, ainsi que les es­pèces ani­males et vé­gé­tales et le pa­tri­moine géo­lo­gique, gérer les sites et sen­si­bi­li­ser les pu­blics

Grâce à une ré­gle­men­ta­tion adap­tée res­pec­tant le contexte local, leur champ d’in­ter­ven­tion est large :

pré­ser­va­tion d’es­pèces ani­males ou vé­gé­tales et d’ha­bi­tats en voie de dis­pa­ri­tion ou re­mar­quables ;

re­cons­ti­tu­tion de po­pu­la­tions ani­males ou vé­gé­tales ou de leurs ha­bi­tats ;

conser­va­tion des jar­dins bo­ta­niques et ar­bo­re­tum consti­tuant des ré­serves d’es­pèces vé­gé­tales en voie de dis­pa­ri­tion, rares ou re­mar­quables ;

pré­ser­va­tion des bio­topes et de for­ma­tions géo­lo­giques, géo­mor­pho­lo­giques ou spé­léo­lo­giques re­mar­quables ;

pré­ser­va­tion ou consti­tu­tion d’étapes sur les grandes voies de mi­gra­tion de la faune sau­vage ;

études scien­ti­fiques ou tech­niques in­dis­pen­sables au dé­ve­lop­pe­ment des connais­sances hu­maines ;

pré­ser­va­tion des sites pré­sen­tant un in­té­rêt par­ti­cu­lier pour l’étude de la vie et des pre­mières ac­ti­vi­tés hu­maines.

 

Vé­ri­tables cœurs de na­ture, les ré­serves na­tu­relles contri­buent à sau­ve­gar­der notre Terre, notre ave­nir.

Les ré­serves na­tu­relles na­tio­nales ont vo­ca­tion à in­té­grer la « trame verte et bleue ». Ces orien­ta­tions de­vront éga­le­ment s’ins­crire dans la cadre de la mise en œuvre de la stra­té­gie de créa­tion des aires pro­té­gées ter­restres mé­tro­po­li­taines (SCAP), où les ré­serves na­tu­relles au­ront un rôle ma­jeur à jouer pour com­bler les la­cunes d’ha­bi­tats ac­tuel­le­ment sous-re­pré­sen­tés, et ré­pondre ainsi aux be­soins de conser­va­tion d’es­pèces, de bio­topes ou de géo­topes en­core in­suf­fi­sam­ment pré­ser­vés à l’échelle du ré­seau na­tio­nal des aires protégées.

LA RESERVE NATURELLE NATIONALE DES MARAIS DE SENE

 

La Réserve Naturelle des marais de Séné couvre 410 hectares, situés sur la rivière de Noyalo, et s’étend sur près de 4 km.

Elle a été créée suite au décret ministériel du 21 août 1996. Elle se compose d’une part d’une zone « estuarienne », composée de vasières bordées par de vastes prés-salés, étiers, chenaux, soit 255 hectares, dont 70 hectares de prés-salés. D’autre part, des marais constituent un ensemble de 50 bassins occupant une superficie d’environ 165 hectares. Ces marais sont en plus ou moins bon état, certains étant remplacés par des secteurs de prairies humides, haies bocagères ou friches agricoles.

La RNN compte 220 espèces d’oiseaux observées sur le site, dont 76 qui y nichent régulièrement : échasse blanche, avocette élégante, sterne pierregarin…

Elle constitue une escale migratoire utilisée par presque toutes les espèces de limicoles fréquentant l’Europe de l’Ouest, pour les anatidés et pour la spatule blanche. Elle constitue également un pôle de biodiversité pour la flore (1/4 de la flore de Bretagne), les amphibiens et reptiles, et divers groupes d’invertébrés. La gestion de la réserve est assurée par l’association Bretagne Vivante – SEPNB, la Commune de Séné, et l’Amicale de Chasse de Séné. Une équipe de salariés assure les différentes missions de la RNN : gestion et entretien des espaces naturels, suivis scientifiques, animations pédagogiques.

Histoire des marais

Tout débute en 1720. Les chanoines du Chapitre de la cathédrale de Vannes demandent et obtiennent la concession du domaine maritime royal pour y construire des salines. Les digues sont érigées sur les prés-salés entre 1725 et 1742.

Après la révolution de 1789, les biens du clergé sont confisqués et les salines vendues. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la production est florissante, et la contrebande occasionne de nombreux troubles dans la région. Des salorges (greniers à sel) sont construites sur les digues. Le sel y est emmagasiné avant de partir par bateaux.

La baisse du prix du sel, la provenance de sel acheminé par chemin de fer, le développement de la conservation des aliments par appertisation (conservation par stérilisation) auront peu à peu raison de la production industrielle de sel en Bretagne.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les négociants vendent leurs marais aux agriculteurs et paludiers. La production de sel ne procurant plus que des revenus d’appoint, les marais sont peu à peu abandonnés. Le dernier paludier de Séné cesse son activité peu après 1950.

L’un des marais de Mézentrée est même utilisé pour l’élevage d’huîtres plates au milieu du XXe siècle, puis seuls les agriculteurs les utilisent pour faire pâturer les digues par les bovins. Les brèches ne sont plus réparées, la mer reprend ses droits perdus deux siècles plus tôt.

Histoire de la réserve naturelle

En 1979, Bretagne Vivante entame la restauration d’anciennes salines au lieu-dit “ Falguérec ”, à Séné. L’opération s’avère être un succès écologique puisque les marais de Falguérec constituent rapidement un site d’importance internationale pour les oiseaux d’eau, qu’ils soient migrateurs en escale, installés pour l’hiver ou nicheurs à la belle saison.

Le projet de réitérer “ l’expérience Falguérec ” sur le reste du site des marais de Séné prend alors corps : en effet, près de deux cents hectares d’anciens marais, à l’abandon et soumis au jeu des marées, n’attendent que quelques travaux pour accueillir les oiseaux.

Pour garantir le maintien du caractère naturel du site, Bretagne Vivante, la Commune de Séné et l’Etat entament la procédure de classement des marais de Séné en Réserve Naturelle Nationale. Celle-ci (410 ha) est officiellement créée par décret ministériel le 21 août 1996.

Depuis octobre 1997, elle est gérée par un collectif de trois gestionnaires :

la ville de Séné,

l’association Bretagne Vivante

l’Amicale de Chasse de Séné

Afin de faire découvrir ce monde méconnu et fragile, des observatoires sont aménagés sur le pourtour des marais. Très fréquenté par les oiseaux, le site devient à son tour un lieu de passage obligé pour tous les amateurs d’oiseaux de Bretagne, de France et au-delà.

En 2002, suite à un autre décret préfectoral, la réserve naturelle s’agrandit à nouveau avec la création d’un périmètre de protection.

Aujourd’hui, elle couvre environ 530 ha ce qui représente environ 1/4 du territoire de la ville de Séné.

La réserve naturelle est située à la lisière de l’agglomération vannetaise, dont la population est très attirée par les espaces naturels qu’elle utilise comme lieux de promenade et de découverte.

De ce fait, la mission première de la réserve naturelle, qui est la conservation d’espaces et d’espèces remarquables, se double d’une mission pédagogique : faire découvrir le site et faire comprendre et partager l’idée de la nécessité d’une protection efficace de la vie sauvage et d’un espace fragile.

Hébergeant 31 milieux naturels d’intérêt européen, la réserve naturelle est composée de trois grands types de milieux :

L’estuaire est bordé de vasières qui se découvrent à basse mer et de prés-salés composés de végétations submergées à marée haute. Le tiers de la réserve est occupé par d’anciens marais salants composant une mosaïque de milieux humides variés.

 

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